Généalogie d'Isabelle HERVY-BLOUET - Mot-clé - Blanche et Louis - Commentaires2024-03-24T16:38:21+01:00urn:md5:f241c492da5d44fe8169a068f22684e9DotclearLEMONNIER Jean Marie - FILLEUL Emmanuel - x CUCU - chrcanurn:md5:fbb40f23f64e0541c790fb740c0210752018-09-08T15:14:10+02:002018-09-16T11:00:42+02:00chrcan<p>Charles CANIVET alias Jean de Nivelle a beaucoup écrit sur les choses de la mer, tant en tant que journaliste qu'en tant que romancier. Il n'a pas manqué d'évoquer cette catastrophe</p>
<p>Le Soleil 02/01/1892<br />
CHOSES DE LA MER<br />
Je pense que cela fera sans doute plaisir à bon nombre de lecteurs du Soleil qui, il y a quelques mois, peut-être une année, ou un peu plus, se sont si bien entendus pour fournir un bateau neuf, à un brave patron de Douarnenez que la mer avait privé de son gagne-pain; cela leur fera plaisir, dis-je de savoir que ce brave homme, avec le bateau neuf qu’ils lui ont fourni, est assez content de ses affaires. « Cette année, m’écrit-il, j’ai fait une pêche passable pendant l’été ; la pêche d'hiver a été nulle jusqu’ici. Si le temps devenait beau, on pourrait encore gagner quelques sous. » Vous voyez cela d'ici, gagner quelques sous, par le temps qui court ! Et pour finir, le patron Lézouarch qui n’est point oublieux, me charge de transmettre aux lecteurs du Soleil qui se sont si bien cotisés pour le tirer de peine, tous ses souhaits de nouvelle année, avec l'expression de sa reconnaissance.<br />
Voilà qui est fait, et j’en avise le patron Guillaume Lézouarch, de Douarnenez, en lui disant que je me suis acquitté de sa commission, avec la plus vive satisfaction. Et ma foi ! c’est la vérité. Quoi de plus agréable qu’un peu de gratitude, chez de braves gens auxquels on a pu faire quelque bien ? Les sinistres maritimes ont toujours de terribles conséquences. En une nuit, un coup de vent peut faire, dans un seul endroit, des douzaines d'orphelins, comme il vient, d’arriver à Étretat; une catastrophe à faire frémir, et au sujet de laquelle M. le curé d’Étretat nous écrit, en faisant appel à la publicité du Soleil. Mais, ces choses-là sont si fréquentes qu’il faudrait, pour ainsi dire, une rubrique quotidienne et une colonne spéciale indéfiniment ouverte à des souscriptions qui trouveraient facilement leur emploi, ce n’est pas douteux.<br />
Et encore, cela ne suffirait-il pas. Ce qu’il faudrait, ce serait un mouvement énorme d'opinion provoquant, ici et là, partout, des souscriptions qui fourniraient, je n’en doute pas, un premier capital considérable, et que l’on renouvellerait, de temps en temps. Tous les journaux de Paris et tous les journaux dos départements opérant ensemble, le succès ne serait pas douteux. Mais, il faudrait du temps, pour organiser cela, en admettant même que l’organisation soit possible. Aussi, en attendant que la Société fondée par le regretté M. de Courcy soit assez riche pour faire face à tous les besoins, du moins les plus pressants, nous nous bornons ici à faire appel à nos lecteurs lorsqu’il s’agit de venir en aide à des infortunes particulières, et de réparer un malheur, comme à Douarnenez, récemment, et comme jadis à Barfleur. Et c’est pour cela que ce que nous recueillons est efficace. Que seraient, dans un cataclysme, les quinze-cents francs qui ont permis au patron Lézouarch de se faire construire une barque toute neuve et de recommencer la pêche, dans les mêmes conditions qu’avant son malheur ? Une goutte d’eau dans la mer, et rien de plus. Tandis qu’un petit capital, judicieusement employé, peut remettre de braves gens à flot. C’est un système qui nous semble excellent, dans certaines occasions; et nous nous y tenons d’autant mieux que, je le répète, dans le cas contraire, les appels seraient de tous les jours.<br />
Il n’y a là ni mauvais vouloir, ni indifférence, simplement une conduite qui nous paraît meilleure, dans l’intérêt du but que nous poursuivons. Que serviraient, par exemple, les sommes les plus fortes qu’il nous soit jamais arrivé de recueillir, dans une catastrophe de mer comme celle qui s’est récemment produite, sur le banc de Terre-Neuve, où un navire de pêche du port de Granville, le Blanche et Louis, a été abordé et coulé par le Maurice, du port de Saint-Malo ? Pas grand’ chose, n’est-il pas vrai ? Il est difficile, cependant, de laisser sans une mention spéciale, cette aventure do mer où tout un équipage de vingt-cinq hommes a péri, sans que le navire abordeur ait rien tenté pour les sauver. Celui-ci a été vu, de loin, par des pêcheurs, mais il a forcé de toile ; en un mot, il se serait sauvé, comme un lâche.<br />
Nous ne sommes pas très habitués à entendre ou à lire de pareilles choses, en France. On y sait que les paquebots rapides, qui suivent leur route immuable, entre l'Europe et l’Amérique, ne stoppent pas souvent quand ils ont passé sur le ventre d’un pauvre petit bateau de pèche. Ils disparaissent bientôt dans la brume, leur complice, et nul ne saura jamais leur nom. Ici, en admettant que la triste histoire soit vraie, ce dont nous voulons douter encore, ce n'est plus cela : le nom du navire abordeur est connu, ainsi que son port d’attache, et il faudra bien qu'il y revienne. Le capitaine n’est pas sans savoir le sort qui l'attend et les explications qui lui seront demandées ; et il n’est pas assez naïf pour s’imaginer qu’une fois à quai, avec son chargement de morues, il en sera quitte pour attendre tranquillement la prochaine campagne. L’honneur du pavillon marchand, si les faits sont exacts, est compromis dans l'affaire, il est indispensable que des éclaircissements interviennent.<br />
Si cette lugubre histoire est telle qu’on la raconte, il n’y a que deux hypothèses possibles : ou le capitaine s’est volontairement éloigné du lieu du désastre, ou son équipage a refusé de lui obéir et l’a contraint de faire route. Dans les deux alternatives, c’est lui qui s’en expliquera et qui fournira les motifs de ce singulier abandon, auquel nous ne voulons pas croire encore. Non, ce n’est pas exact ; il n’est pas possible qu’un capitaine et un équipage français, dans des parages dangereux, où tous les navires d’une nombreuse flottille sont, pour ainsi dire, solidaires les uns des autres, aient pu voir, sans frémir, l’engloutissement d’un bateau de pèche coulé par eux, et se soient dérobés au devoir qu’exigeait leur imprudence ou leur maladresse, sans prendre garde aux clameurs de détresse de ces vingt-cinq hommes, leurs camarades, appelant désespérément à leurs secours. Si cela n'est pas, comment de pareils bruits peuvent-ils se répandre? Si cela est, et toutes les apparences sont pour qu'il en soit ainsi, il nous semble qu’une pareille lâcheté mériterait un châtiment exemplaire, propre à servir de leçon.<br />
Jean de Nivelle.</p>